Eric Cassar, fondateur du cabinet d’architecte ArkhenSpaces, invente le logement du futur. Pendant deux ans, il a travaillé sur le projet « Habiter l’infini », récompensé par le Grand Prix Européen de l’Innovation Le Monde-Smart Cities en avril 2017. Pour ce passionné d’art et de littérature, le défi est le suivant : « En 1800, seulement 3 % de la population mondiale était urbaine. Aujourd’hui, c’est 50 %, et dans trente ans ce sera 75 %. L’augmentation de la surface construite sera équivalente, d’ici 2050, à la taille de Paris tous les un à deux jours. »
Pour relever ce défi, il a imaginé des logements intelligents en s’appuyant sur les technologies en vogue dans le secteur immobilier (smart building, smart city). En parallèle, pour réduire la surface moyenne par habitant, il souhaite augmenter la part des espaces communs au détriment des espaces privatifs. « Un bâtiment ou un îlot de bâtiments où la surface de la sphère intime de chaque foyer est réduite au profit d’une grande variété d’espaces mutualisés, gérés grâce au numérique entre les habitants. Ce qui permet à la fois d’augmenter l’espace de vie et de mieux rentabiliser l’espace construit tout en favorisant le lien social et intergénérationnel », explique Eric Cassar. Une application numérique permettra aux habitants de réserver ces espaces partagés dont le bureau, la chambre d’amis et le salon font partie. Par exemple, il suffira de réserver une chambre d’amis pour le week-end à travers l’application pour y accueillir ses invités. En conséquence, la sphère privée sera réduite au « dormir, cuisiner et manger ensemble ».
L’introduction du Building-as-a-service pourrait révolutionner notre rapport au logement. L’utilisation intensive des nouvelles technologies entraine un phénomène de commoditization de l’immobilier en le rendant flexible, divisible, moins cher et donc plus liquide. L’immobilier, qui jouit encore aujourd’hui d’une valeur patrimoniale quasi affective, deviendra tôt ou tard un bien comme les autres. Pour accompagner cette évolution, le réaménagement du stock de logements existants sera indispensable dans la mesure où 60% des immeubles parisiens ont été construits entre 1850 et 1914.
Cependant, la vision très poétique d’Éric Cassar n’est pas sans limite. D’une part, la gestion commune des espaces partagés peut poser de nombreux difficultés. En témoignent le mauvais entretien des parties communes dans les copropriétés et les multiples conflits qui en découlent. D’autre part, la question de la valorisation est posée. En effet, quelle est la part de ces espaces communs dans la valorisation d’un appartement ? Aucune pratique de marché n’existe à ce jour et il sera intéressant d’observer les premières transactions. Affaire à suivre.