BIM. Building Information Management. Un coup de fouet acéré sur la ligne d’eau des innovations, trois mots qui grondent dans l’horizon, chargés de perspectives de révolution. Un animal à dompter, une bête avide de conquêtes engendrée par la technologie. L’homme apprivoisa le cheval, chapitre second.

Que sait-on de la créature ? Elle s’est laissée surprendre sous la forme de modèles numériques surpuissants, enfantés dans les cerveaux survoltés de notre ère, martelés de nuit blanche en nuit blanche sous les doigts frénétiques des codeurs de génie. Un langage moderne, organisé, redoutable, se présente comme l’épine dorsale du BIM. Un langage objet, ou chaque détail du bâtiment se voit attribuer un nom, une référence, un modèle, des dimensions, une fiche d’exploitation, le tout condensé pour l’éternité sous le clic droit d’une souris.

Comment la dompte-t-on ? On apprivoise l’animal en le rendant accessible à tous : on le modélise en trois dimensions. Le modèle 3D facilite la communication entre les intervenants, fluidifie le discours commercial, allège la tâche des exploitants une fois les actifs livrés. Le modèle 3D révèle des clashs et des erreurs que les meilleurs bureaux d’études ne voyaient plus, aveuglés par les indigestes plans A1 que leur fourraient en cadence des architectes désabusés. Le modèle 3D protège les maitrises d’ouvrage, les entreprises et les maitrises d’œuvre sous un bouclier limpide et incontestable. Réclamations, jubilez, car vous serez désormais jugées à la barre des justes.

Comment, après avoir assuré la maitrise totale de l’information, assure-t-on sa transmission et son partage ? Des outils tout aussi révolutionnaires et tout aussi puissants s’offrent à nos cow-boys de l’immobilier. Des plateformes de partage, intégrant simultanément des process de transmission, des contrôles d’exécution de tâches, des maquettes 3D modifiables en ligne, des listings infinis de data (objets & attributs, intervenants, contrats, responsabilités, budgets, délais, documents, historiques) et différents niveaux d’accès et d’autorisations permettent d’agripper l’ensemble des partenaires d’un projet, de l’architecte a l’investisseur final. Là encore, on renforce l’efficacité sur tous les fronts, c’est rapide, c’est précis, c’est fluide, c’est accessible sur une tablette depuis la salle de réunion des fonds d’investissement, et ça sourit de partout comme quand vous souriiez par-dessus la moustache de Gameboy Mario. C’est aussi contractuel et incontournable, sécurisant et pérenne, dynamique et incisif. Taisez-vous donc à jamais.

La beauté du geste réside dans sa continuité : solution à lancer impérativement dès la phase esquisse, à prolonger avec abondance en cours d’exécution, à offrir sur un plateau d’argent et à la droite d’une bouteille de Perle de Vénus à son futur exploitant, crucifié de plaisir sur la pierre de Bourgogne de son futur siège social.

STOP. Stop, stop, stop, on rembobine et on redescend sur terre un instant. En l’état actuel, tout reste à faire. En France, les entreprises ne sont pas encore armées pour combattre au nirvana, la page est vierge et la légende reste à être contée. Certains artistes prennent la plume et s’enfoncent dans la forêt vierge du Bimland. Plusieurs promoteurs français commencent à intégrer des démarches BIM et montent des stratégies nouvelles de rupture et d’organisation pour être prêts lorsque la bataille commence. Mais la bataille a commencé ! Les entreprises ouvrent des départements dédiés, les architectes ne comprennent plus les deux dimensions, les projets publics imposent de recourir à cette nouvelle magie et les preneurs frétillent d’une impatience tridimensionnelle a l’approche des livraisons.

Enfin le cadre légal de cette arme de construction massive reste à fixer. Qui prendra la responsabilité de la maquette ? L’architecte en défendra-t-il la propriété ? Des questions fondamentales traitées au cas par cas sur les chantiers, dans la douleur acerbe des contrats bancals, des réclamations diffuses et des négociations nocturnes. Une violence féconde que doivent accepter les ingénieurs de demain, une expérience formatrice afin d’établir les fondations de ce que sera la Real Estech.

Pendant ce temps, en Chine, des imprimantes 3D montent des barres d’immeubles résidentiels en deux semaines. Au boulot !

 Léon